Poussés par nos origines vivrière et primitive, des hommes et des femmes ont décidé de relever le challenge du retour à nos racines pour atteindre l’auto-suffisance alimentaire.
Le concept
Pour s’alimenter, on s’approvisionne tous quelque part. La plupart va en grande surface, les plus chanceux sur des marchés, ou directement dans leur jardin s’ils en possèdent un. Pour ces derniers, il s’agit de saisir cette opportunité pour devenir autonome. Ou, tout du moins, d’essayer de produire des légumes toute l’année.
Poussés par le désir de manger des produits de chez eux, ils se lancent la plupart du temps dans un potager, un verger ou dans une exploitation personnelle. Ces jardiniers lambdas savent d’où viennent leur production. Une production à la fois biologique et locale… Des denrées sont cueillies et utilisées tous les mois afin de ne manquer de rien. Ils sont ou deviennent auto-subsistants en matière d’alimentation.
Définition : l’agriculture vivrière est une agriculture essentiellement tournée vers l’auto-consommation et l’économie de subsistance. La production est en grande partie auto-consommée. La culture vivrière est utilisée dans certains continents comme l’Asie ou l’Afrique en tant que culture de subsistance, nécessaire pour vivre, d’où le terme « vivrier ». (source Wikipedia)
Une forte ambition
Les cultures autonomes des pays modernisés s’inspirent et se rapprochent de ce mode de culture, non pas en tant qu’agriculture vitale, mais plus comme un retour aux sources, un besoin de faire des économies.
L’autonomie peut ne pas être totalement intégrale. L’échec est accepté même si cela reste contre la philosophie de vie. Il ne s’agit pas de mourir de faim ou de manger des pommes de terre toute l’année. L’auto-suffisance en alimentation se fera sur un temps plus long, pour affiner sa production et avoir des réserves. Ici, la récolte n’est pas immédiate pour vivre. D‘autres circonstances sociétales viennent aussi motiver cette lancée dans l’autonomie :
- la baisse du pouvoir d’achat
- les prix croissants des fruits et légumes
- les soucis de toxicité des traitements phytosanitaires.
C’est ainsi sur la base du « manger plus sainement » que le désir d’autonomie s’appuie véritablement.
Comment débuter ?
Pour totalement en bénéficier, il est préférable de posséder un grand terrain même si un potager de 250 à 300 m² pour 4 personnes suffirait pour être autonome. Il s’agit de bien utiliser l’espace et de l’optimiser. A noter aussi, que si vous arrivez à être autonome à 50 % sur les légumes, et si vous n’achetez plus que certaines autres denrées, c’est déjà gagné.
D’une manière plus modeste, si vous possédez un petit jardin, il s’agira déjà de réaliser des économies sur au moins 3 ou 4 aliments que vous consommez régulièrement comme des pommes de terre et des tomates.
Pour le passage à une autonomie alimentaire à 100%, tout sera question de méthode.
Partie végétale
Pour bien s’engager dans la voie de l’autonomie, il s’agit d’organiser correctement son jardin et de dessiner un plan. Il permettra de disposer la rotation des cultures, de savoir quels légumes planter, et surtout quand, afin de faire pousser certaines espèces durant les mois difficiles. Un calendrier à respecter est de mise.
Les légumes vivaces pour un potager perpétuel sont à prioriser. Ce type de plantes vit plus de 10 ans et regroupe différentes espèces telles que l’asperge, l’artichaut, la rhubarbe, l’oseille-épinard et les bulbes comme l’ail ou les oignons sauvages. Vous vous rendrez compte qu’elles auront le même goût que des légumes traditionnels.
Pour vous faciliter la tâche pendant la période hivernale, se construire une serre apparaît souvent bénéfique. En plus de protéger les cultures du froid, elle capte les rayons du soleil et réchauffe les légumes poussant à l’intérieur.
Partie animale
Au premier palier de l’autosuffisance alimentaire animale, il est préférable de débuter avec des poules. Faciles à élever et auxiliaires en permaculture. Elles pondent régulièrement répondant aux besoins de protéines. De plus, s’en occuper s’avère ludique pour les plus jeunes enfants.
Un canard ou une oie s’acclimateront aussi dans une cour intérieure tandis que des lapins peuvent être élevés dans des clapiers pour l’apport en viande.
Une fois installé, tout ce petit monde permettra de répondre aux besoins essentiels en nourriture pour une famille, un couple, des célibataires. Au fur et à mesure, avec une grande superficie, le jardinier pourra acheter de plus gros animaux tels que des chèvres, des moutons voir même une vache. Une belle production de produits laitiers l’attendra. Ces quantités permettront aussi de faire de l’artisanat si le rendement est présent. L’éleveur professionnel pourra confectionner et vendre : fromage, beurre, crème ou yaourt.
En parallèle, une parcelle de blé, d’orge ou de céréale sera à cultiver pour alimenter les animaux l’hiver et ainsi avoir la main-mise sur tous les aspects de la production. Une autonomie vraiment complète, atteignable sur le long terme.
Pour résumé, l’objectif premier est de produire suffisamment pour qu’au bout de quelques années la famille dispose d’assez de réserves pour ne plus aller acheter de produits alimentaires en grande surface. 3 ans semble être le minimum pour arriver à un résultat visible; sans compter le nombre d’agrandissements et d’améliorations qu’on peut y faire.
Il faut savoir aussi qu’être autosuffisant est synonyme d’autonomie. Cela demande de l’expérience, de la volonté, du dynamisme, de l’investissement et de la patience. Ce dernier terme est le maître mot du concept puisque tout se fera petit à petit sur le long terme.
Astuces et parades pour y arriver
Si vous n’avez pas de temps, la permaculture s’offre à vous. Ce modèle vous permettra de produire efficacement, en respectant la nature. Le potager grandit et se défend tout seul. Il faut seulement l’arroser de temps en temps.
Précisons qu’il n’est pas obligatoire de passer automatiquement par cette voie. Elle semble seulement être la solution la plus adéquate, la plus biologique et la plus utile pour y arriver. L’énorme avantage de la permaculture est : qu’elle « pousse toute seule ».
Être autosuffisant détermine aussi manger sainement et surtout équilibré. Il ne faut pas de carences alimentaires dans les catégories d’aliments tels que le manque de calcium ou de protéine. C’est pour cela qu’une grande mixité au jardin est impérative.
Pour cela, plantez des légumes, fruits, condiments, que vous aimez évidemment. Quand les réserves seront assez conséquentes, on pourra passer à la production des protéines (viande rouge, poisson, oeuf et lait).
Remarque, un végétarien aura plus de facilité à être autonome en légumes qu’un omnivore autonome en viande. Les résultats se ressentiront au fur et à mesure des saisons, jusqu’à entrevoir la parfaite autonomie et le cycle pérenne de la maison et du potager.
Quelques inconvénients
Le coût initial peut apparaître quelque peu élevé (installation des cultures, achats des outils, du terrain…). Et, annuellement, il faut acheter des graines même si, certaines se récoltent à même le plant.
Ces petites dépenses sont compensées par les économies en achat de nourriture, car le potager nourricier s’occupera de tout. Il doit fournir une plus grosse quantité que celles achetées auparavant au marché. Si le rendement est supérieur, alors la méthode aura fonctionné.
Ils y sont parvenus !
Le concept donne envie en plus d’être atteignable. L’autosuffisance alimentaire intégrale a été obtenue par quelques personnes dans le monde. Cependant, rares sont les initiatives à avoir été médiatisées.
Plusieurs solutions ont été envisagées, en passant par : le grand domaine au micro-jardin, de la serre individuelle aux villages entiers dédiés à l’autonomie alimentaire. Les passionnés rivalisent d’astuces pour pouvoir se nourrir exclusivement des produits de leur jardin, issus du fruit de leurs productions.
Au Pays-bas, par exemple, une famille a testé une maison-serre qui prodigue tous les légumes et fruits qu’il faut. Le seul handicap est la régulation de la température…
Robin Leblanc et Rebecca Huot
Cette famille canadienne a beaucoup fait parler d’elle. Installée à Bathurst dans le Nouveau-Brunswick (Canada), les 5 membres qui la compose vivent en autosuffisance alimentaire totale. Robin, le père, s’est lancé dans la permaculture avec sa femme Rebecca, et se sont soutenus dans le projet. Lui : s’occupe de l’artisanat, de la culture. Elle : l’épaule tout en s’occupant des enfants, les sensibilisant au bio et à la bonne cuisine. Ils sont arrivés à trouver un juste milieu quant à la répartition des tâches.
La seule dépense de la famille se situe dans les produits cosmétiques et hygiéniques, puisque tous les fruits, légumes, condiments, boissons, viandes viennent du jardin-potager-verger.
Leur terrain d’une superficie de 14 ha, dispose de tout ce que Robin et Rebecca ont besoin pour nourrir leur foyer.
Leur ferme n’a pas coûtée cher. Au départ, ils ne voulaient pas être auto-suffisants, souhaitant juste cultiver leurs légumes toute l’année.
La famille a investi au fur et à mesure pour toucher d’autres domaines, s’agrandir, produire plus. Une serre est installée, une chambre froide, puis un caveau… Et, des arbres fruitiers sont venus se greffer à ceux existant.
Du souhait à la réalité il n’y a qu’un pas. Et, obtenir une autosuffisance alimentaire passe par une grande diversité alimentaire. Ainsi, la ferme dispose d’une quantité large de plantes et d’animaux. Une vache laitière (qui produit au moins 12 litres de lait par jour), des poules, des oies et un cochon s’ajoutent au domaine déjà rempli de potagers, de serres, de granges, d’arbres fruitiers et de plantations (sauvages) diverses…
Le couple est d’autant plus étonné car les conserves et réserves s’empilent au fil des ans sur les étagères ! Si bien que, grâce à ces riches récoltes, Robin peut s’atteler à transformer lui-même ses produits premiers. Il fait notamment du pâté, des saucisses, des produits laitiers (beurre, crème) et des fromages divers (feta, ricotta, parmesan, fromage suisse).
Tous les aliments récoltés et produits sont transformés en plats cuisinés.
Cette autonomie alimentaire s’est faite en Huit ans, du début de la première plantation jusqu’au résultat actuel.
La famille est très bien organisée. Disposant de tout, elle a su aussi concilier : autonomie et respect de l’environnement.
Luc Muyldermans
Toujours au Canada, un couple belge a construit sa maison autonome en nourriture, avec une serre accolée à sa cuisine. Arrivé en 1981, ils se sont installés sur une grande parcelle pour concrétiser un projet qui leur tenait à cœur : produire toute l’année leur nourriture de façon autonome.
Mêlant astucieusement tous les besoins alimentaires (légumes, fruits et protéines…) cette maison a de quoi faire des jaloux. Surtout que dans cette région, il y fait froid et il est compliqué d’avoir des légumes et fruits toute l’année.
Pour se faire, Luc Muyldermans a tout d’abord aménagé son terrain. On y découvre une chèvre, un âne, des poules, un lac privé et une petite forêt, qu’il a planté lui-même.
En plus de cet écosystème, une serre s’ajoute au tableau. La serre possède un grand intérêt dans ce type de production en autarcie, d’autant plus lorsque l’on habite une région où les températures peuvent être glaciales en hiver.
Accolée à la cuisine, on y trouve toute sorte de produit qui permettent une bonne isolation. Luc a ainsi réussi à contrer le problème de la chaleur de façon intelligente. Des vignes parcourent les vitres et filtrent les rayons du soleil par leurs feuilles en été. Et, en hiver, la vigne nue laisse entrer ces derniers. Une autre ingéniosité en matière d’isolation et d’autonomie énergétique, provient de la centaine de bouteilles d’eau stockées dans la serre. Elles retiennent la chaleur le jour, et la diffuse la nuit.
Enfin, Luc a jugé bon de laisser se promener des cailles plutôt que des poules. Elles sont moins encombrantes, n’abîment pas le jardin, le nettoient tout en pondant des œufs.
Joseph Chauffrey
A Sotteville-lès-Rouen, en France, Joseph produit 300 kilos de légumes et fruits en un an sur une surface de 150 m².
Ils n’ont pas encore atteint l’autonomie alimentaire parfaite, faute de pommes de terre et d’endives. Pourtant, Joseph Chauffrey et sa compagne ont réussi un exploit de production, mêlant ingéniosité et optimisation.
La permaculture est le maître mot de son jardin. Il est parvenu à installer une mare et une serre, où amphibiens, oiseaux et insectes cohabitent. Des cultures poussent un peu partout : dans des buttes ou sur les toits de son cabanon... D’ailleurs, il a réussi à faire pousser des courges en hauteur ! Cette innovation permet notamment au pédoncule du fruit de se renforcer pour ne pas se briser sous le poids. Un avantage notable mais ce n’est pas le seul. La culture “verticale” offre une économie de place considérable et donc une réduction des coûts.
Joseph connaît un rendement important durant l’hiver. Il plante aussi ses légumes en serre pour subvenir à ses besoins pendant les périodes difficiles.
Son micro-jardin prouve qu’il n’est pas nécessaire de posséder un énorme terrain, il suffit juste d’optimiser et de savoir cultiver en permaculture.
Le couple arrive d’ailleurs à boucler une année avec son stock.
Et, des villes emboîtent aussi le pas
Langouët, la Bretagne en force
En France, le village de Langouët s’est démarqué récemment. Ce petit village Gaulois résiste aux grandes surface et à la malbouffe. La commune de 600 âmes possède logements passifs, café participatif, cantine bio… Grâce à l’implication de ses habitants, le village breton fourmille de projets qui attirent l’attention du monde entier.
Le local, la formation, l’entraide, la convivialité et l’écologie sociale sont les maîtres-mots prônés par le maire et les habitants, pour viser à l’indépendance alimentaire et énergétique.
Les cantines 100% bio
Mouans-Sartoux
La commune de Mouans-Sartoux située en France, dans les alentours de Cannes et de Grasse, a décidé de servir uniquement des plats biologiques dans les cantines scolaires. Les plats sont 100% bio depuis le 1er janvier 2012. Pour ce faire le commune produit elle-même ses aliments grâce à une régie agricole communale et en privilégiant les circuits courts. La ville est autonome dans la production de légumes puisqu’elle en cultive 85% de leurs besoins. De même, elle a réduit le volume des déchets générés dans les cantines grâce à une meilleure organisation.
L’objectif du 100% bio c’est fait progressivement. Au départ il avait atteint 25% en 2009 et 50% en 2010. La superficie des terres agricoles passent de 40 à 112 hectares. La récolte est de 25 tonnes de légumes bio par an. Cette production approvisionne les cantines des 3 écoles et des crèches. La ville compte 10 000 habitants et sert 1 000 repas par jour.
Grande-Synthe
Grande-Synthe est une ville de 20.000 habitants à la périphérie de Dunkerque dans le Nord de la France. Comme la commune de Mouans-Sartoux, Grande-Synthe propose des repas biologiques locaux à leurs 5 restaurants scolaires et sert 900 repas par jour. Les cantines sont 100% bio depuis 2011, avant même que la loi impose les 20% de bio minimum effective en 2018.
Pour conclure
Être en autonomie totale et ne plus rien acheter au supermarché est un rêve accessible. Un rêve qui demande patience et organisation.
Des précurseurs ont ouvert le chemin de l’autonomie alimentaire pour une maison, une famille et même un village ou une ville. S’ils y arrivent, vous aussi !
Source :
Luc Muyldermans